Au-delà des privations matérielles, l’isolement et le sentiment de honte minent le quotidien des personnes accueillies
Aux Restos du Cœur, les trois quarts des familles accueillies vivent avec moins de 644 euros par mois. Soit deux fois moins que le seuil de pauvreté. Derrière cet état de fait alarmant, l’extrême solitude et détresse sociale des personnes accueillies interpellent.
Personne à la rue. Crédit Géraldine Aresteanu/ Restos du Cœur.
« Chaque jour, c’est la même chose : compter, recompter, espérer qu’on n’aura pas un nouveau pépin en plus et se demander qu’est-ce que je vais manger. »
Si la précarité alimentaire est majeure chez les personnes accueillies, la santé mentale apparaît tout aussi centrale et préoccupante. Cette détresse s’ancre dans un quotidien constamment en quête de solutions, multipliant les stratégies pour faire face à la pauvreté et à l’instabilité.
Notre récente étude sur les personnes accueillies et leurs vécus hors aide alimentaire révèle un chiffre alarmant : 64% des répondants déclarent avoir traversé au moins un épisode dépressif au cours des douze derniers mois, soit près de trois fois plus que dans l’ensemble de la population française (26%, IFOP 2021).
Les femmes, les personnes vivant seules et les familles monoparentales sont particulièrement exposées, confrontées à une forte charge mentale, un épuisement psychologique et un isolement marqué.
Isolement social, santé mentale mauvaise, disparition des loisirs… un tiers des personnes accueillies disent se sentir seules souvent, voire presque tous les jours.
Un constat d’autant plus alarmant que cet isolement ne touche pas seulement les personnes vivant seules. Dans les familles elles-mêmes, plus d’une personne sur deux (53 %) déclare ne pas parvenir à profiter de ses proches, et plus d’un quart (27%) affirme n’avoir absolument personne sur qui compter.
Aux Restos, on vient chercher une aide alimentaire mais aussi du lien, une oreille bienveillante et de l’amitié. Comme Geneviève qui trouve dans « son rendez-vous » au centre de Muret une bande de copines et une vie sociale dont l’aide alimentaire qu’elle vient chercher au centre a été l’initiatrice : « on a fait un groupe WhatsApp. On s’appelle les filoutes ».
Au-delà de l’aide alimentaire, les Restos du Cœur ménagent des espaces de lien et une sociabilité possible pour les personnes accueillies. De la disponibilité des équipes du coin café aux rencontres qui se nouent avec les équipes ou entre accueillies, la plupart des centres sont des espaces où fleurissent des échanges qui conjurent l’esseulement quotidien mais pas seulement. Il fait battre en retraite le sentiment de honte qui mine souvent de manière pernicieuse la sociabilité des personnes démunies et génère des mécanismes d’auto-exclusion, la peur du jugement et un sentiment d’exclusion.
Outre le rétablissement des droits sociaux, les équipes chargées de l’accès aux droits permettent aux personnes accueillies de faire valoir leurs droits et aident dans les démarches administratives. Pour rappel, le non-recours aux prestations sociales oscille entre 30% et 40% en moyenne en France. 50%, c’est le taux de « non-recours » au minimum vieillesse. Il est de 34% pour le RSA et de 30% pour l’assurance-chômage (DREES, 2022). Au-delà de l’aide administrative, nos équipes orientent, écoutent, accueillent tous les récits de vie que leur livrent les personnes accueillies.
Pour en savoir plus sur les besoins non alimentaires des personnes accueillies

Novembre 2025 : Étude personnes accueillies hors aide alimentaire et vécus au sein des Restos
L’objectif principal de cette étude est d’identifier, détailler et hiérarchiser les besoins non alimentaires des personnes accueillies par les Restos du Cœur, en fonction de leur profil (familles, étudiants, retraités, etc.), ainsi que d’analyser leur rapport aux accompagnements proposés, qu’ils soient déjà engagés, recherchés ou non souhaités.