[Article] Des vacances pour retrouver confiance

3 juillet 2023

Le non-départ en vacances touche près d’un Français sur deux, dont trois millions d’enfants. Pour des raisons financières, mais aussi en raison de puissants freins psychologiques, culturels ou familiaux.

Marie-Ange attendait avec impatience ce 23 juin, jour du grand départ ! A 71 ans, elle monte enfin dans le train avec son groupe de seniors et leur accompagnateur, direction le Val d’Akor, une maison familiale aménagée par les Restos du Cœur dans le petit village de Châtel-en-Trièves, en Isère (38), pour une semaine de vacances. Cela fait bien 10 ans que cette retraitée de la fonction publique hospitalière n’en avait pas pris, alors elle ne s’attendait vraiment pas à cette proposition des bénévoles du centre de Grigny (91).

« Avec ma petite retraite de 1 000 € par mois, il y a d’autres priorités, dit-elle. Une fois payé mon loyer de 650 € et les factures, il ne reste pas grand-chose pour les loisirs. Depuis un an, je suis même obligée d’aller au centre des Restos pour la distribution alimentaire. Mais j’ai la chance d’y rencontrer des bénévoles formidables ; on est comme une famille. » Au programme de son séjour : randonnée, pique-nique, balade en bateau sur le lac… « et parties de rigolade » ajoute-t-elle avec sa bonne humeur communicative.

En août, ce sont trois familles de Grigny, soit une quinzaine de personnes, qui partiront à leur tour grâce aux Restos pour une semaine mais, elles, en bungalows dans un camping de Saint-Cyr-sur-Mer, sur le littoral varois (83). De quoi sortir du quotidien, faire le plein d’énergie, reprendre confiance en soi pour susciter de nouvelles envies personnelles ou professionnelles. Autant d’éléments complémentaires à toutes les autres aides à la personne prodiguées par l’association et qui participent à une sortie de la précarité.

Des vacances pour 7 000 personnes

Les séjours de vacances pour les familles, les enfants ou les seniors ont été créées par les Restos du Cœur pour permettre aux personnes accueillies – qui bien souvent ne sont jamais parties, comme 46 % des Français en 2022 (Observatoire des Inégalités), de sortir de leur isolement, en recréant du lien et de la convivialité.

« Nous avons des départs toute l’année, principalement de juin à octobre, avec des séjours pour les familles, pour les personnes seules et seniors, et bien sûr des colonies de vacances pour les enfants », indique Joëlle Poissonnet, référente Vacances depuis cinq ans au Réseau autonomie et lien social de l’association nationale. « En 2023, nous ferons partir plus de 7000 personnes en vacances, pour des séjours d’une semaine en moyenne, contre 5000 l’an dernier, car la demande est de plus en plus forte. »

Les Restos sont ainsi devenus le deuxième acteur associatif de la solidarité en France pour cette activité. Au total, nous dit Marie-Charlotte Pierre, chargée de mission pour les Activités culture, loisirs et vacances, « cela représente un budget prévisionnel de 3,3 millions d’euros pour la période de juin à octobre, tous séjours confondus. »

Le principal bailleur de fonds est l’Agence Nationale pour les chèques-vacances (ANCV) dont la contribution se monte à 40 %. L’Association nationale des Restos du Cœur intervient pour 10 %, et les personnes accueillies participent pour 9 % en moyenne, en fonction de leur situation, « car c’est aussi une façon de valoriser leur projet ». S’y ajoutent des aides de la CAF, des associations départementales des Restos du Cœur, des collectivités territoriales ou encore des caisses de retraite.

Des formations pour monter les projets

Comme pour chaque activité des Restos, les départs en vacances nécessitent de former les bénévoles chargés de monter le projet avec les personnes accueillies. Ces projets se construisent six mois à l’avance, au cours de réunions entre les personnes sélectionnées et les bénévoles des centres qui ont mis cette activité à leur programme. Un temps long nécessaire à la mise en place du séjour, mais aussi à la préparation des familles.

Car les personnes sélectionnées ne sont pas toujours prêtes à quitter leur environnement, aussi précaire soit-il. Quand on vit depuis longtemps dans des conditions difficiles, il n’est pas simple de laisser derrière soi ses repères, même pour une courte durée. « Certaines personnes ne se donnent pas le droit de partir, ne se sentent pas légitimes », dit Marie-Charlotte Pierre. « Le mot vacances fait peur aux familles qui n’ont pas cette culture et craignent de sortir de leur quotidien, ajoute Joëlle Poissonnet. Les parents ont même du mal à laisser partir leurs enfants en colonie, à comprendre que ça peut leur faire du bien. » Passer une semaine en pension complète, pouvoir prendre une douche chaude tous les jours… cela peut être pour certains un vrai choc émotionnel. « Mais à leur retour, les familles ont le sentiment d’avoir vécu quelque chose d’incroyable », dit Marie-Charlotte Pierre. Confirmation avec Marie-Ange qui, à peine arrivée, ne pensait déjà qu’à y revenir : « J’ai fait mon baptême de TGV pour aller au Val d’Akor. Je ne l’avais encore jamais pris et ça valait le coup ! A l’arrivée nous étions en pleine montagne, c’était magnifique. »

Le saviez-vous ?

Grâce aux divers partenariats noués, les Restos du Cœur proposent des départs en vacances aux personnes accueillies depuis plus de 25 ans ! Au cours des 10 dernières années, ce sont plus de 50 000 personnes qui ont bénéficié de ces séjours.