« Coluche, pour moi, c’était un chic type » – Entretien avec Charlotte Dhenaux

24 septembre 2025

Pour nos 40 ans, elle nous a offert un portrait de Coluche à la façon de sa chronique dans Quelle époque ! (France 2). Entre souvenirs d’enfance et regard d’adulte, la comédienne, autrice et musicienne, évoque l’humoriste mais aussi son propre engagement, depuis les tout premiers concerts organisés au profit des Restos du Cœur dans son quartier, à aujourd’hui.

Quelle image de Coluche avez-vous ?

Un Coluche tête brûlée, fédérateur. C’était l’humoriste qui osait tout, avec une grande liberté de ton, et qui savait rassembler pour des causes justes. Je l’ai aussi découvert au cinéma : Tchao Pantin m’a marquée, c’est un film incroyable. Coluche, c’est cette image qu’on connaît tous par cœur avec les Restos du Cœur.

Vous dites qu’il était fédérateur, mais il avait aussi ce côté clivant, non ?

Oui, si on pense à sa candidature à la présidentielle par exemple. Mais pour les combats qu’il menait, il était fédérateur.

À l’époque, ce n’était pas courant de mettre sa notoriété au service de grandes causes, parfois clivantes, comme SOS Racisme ou l’Éthiopie…

C’est vrai. J’ai peut-être une naïveté liée à ma génération, mais quand je voyais les photos, je me disais : « Waouh, ce monsieur, c’est un grand monsieur. » Enfant, j’avais l’image d’un chic type, celui qui a créé les Restos. Plus tard, j’ai découvert son histoire à travers les reportages. Mes parents écoutaient ses cassettes, mon père les connaît presque par cœur. Ça faisait partie de mon éducation : un ton libre, drôle, parfois clivant, mais qui a marqué son époque et réussi son pari.

 

Vous avez vous-même chanté pendant vingt ans au profit des Restos. Racontez-moi.

J’ai grandi à L’Haÿ-les-Roses dans le Val-de-Marne. Chaque année, deux concerts étaient organisés pour les Restos au moment des fêtes de Noël. J’y ai participé dès 11 ou 12 ans. C’était magique : des professeurs de guitare, de théâtre, des associations locales, tous réunis. Au début, l’entrée se payait avec un paquet de bonbons et une BD. On collectait ces dons à l’entrée avant de monter sur scène. C’était à la fois un moment de fête et une action solidaire. Ensuite, les concerts sont devenus payants, ce qui a permis d’acheter une camionnette, des congélateurs… du matériel essentiel. J’ai continué jusqu’à il y a trois ans.

Aviez-vous conscience, enfant, de pourquoi et pour qui vous chantiez ?

Oui, parce qu’avant chaque concert, la présidente de l’antenne de Villejuif expliquait où allaient les recettes. On savait qu’on s’amusait, mais aussi qu’on aidait. On nous disait : « Grâce à vous, des enfants auront des bonbons et une BD à Noël. » C’était gagnant-gagnant : nous, on prenait du plaisir sur scène ; les spectateurs passaient un bon moment ; et les Restos pouvaient aider. Et puis on comprend qu’il y a des enfants qui n’ont pas notre chance, on a de l’empathie, mais sans vraiment mesurer. C’est pour ça qu’il est essentiel de sensibiliser dès le plus jeune âge. Pas forcément en confrontant brutalement à la misère, mais en expliquant simplement que pour certaines familles, même se nourrir est compliqué. Ces concerts étaient une première approche, plus douce mais efficace.

Et aujourd’hui, adulte, est-ce que vous réalisez ce que sont devenus les Restos du Cœur ?

Je n’ai pas forcément conscience des chiffres, mais je sais que c’est énorme, bien plus que ce que j’imagine. Je me souviens des 20 ans des concerts : dans le discours, il y avait cette amertume de dire « ça fait 20 ans qu’on fait ça et le problème n’est pas résolu ». D’année en année, on espère qu’il y aura moins de besoins, et en réalité ce n’est pas le cas.