De l’École Ducasse aux Restos du Cœur, « la cuisine crée des liens »
Le chef Giuseppe cuisine avec la tête et avec le cœur. Bénévole au sein de l’association, ce professeur à l’École Ducasse transmet son savoir-faire à des personnes éloignées de l’emploi. Sous l’égide des Restos du Cœur, ils célèbrent ensemble une cuisine hybride, conviviale et une approche antigaspi… Rencontre.
Crédit photo : Giuseppe Franco
Giuseppe, 37 ans, est originaire de Rutigliano, en Italie et professeur à l’École Ducasse. Bénévole aux Restos du Cœur depuis mai 2024, il intervient aux ateliers chantiers d’insertion cuisine de Beaurains, dans le Pas-de-Calais deux jours par mois. Là, les personnes qu’il encadre savourent ses 22 ans d’expérience derrière les fourneaux, ainsi qu’une cuisine hybride, inventive et antigaspi.
Comment as-tu commencé à cuisiner pour les Restos du Cœur ?
La pandémie de COVID m’a transformé. Avant, je travaillais dans la gastronomie. Je me suis rendu compte que ma cuisine ne s’adressait qu’à une catégorie sociale très spécifique. Issu d’une famille pauvre d’agriculteurs en Italie, j’ai ressenti le besoin de rendre ma cuisine plus accessible. Je voulais permettre aux familles en situation de précarité de déguster de bons plats de manière équilibrée. Un jour, un élève de l’École Ducasse m’a parlé des Restos du Cœur, et c’est là que l’ampoule s’est allumée dans ma tête !
Comment se déroulent les ateliers ?
Chaque matin à Beaurains, les produits frais du jardin d’insertion et des ramasses sont livrés aux Restos du Cœur. C’est là que je récupère les denrées. Avec les salariés en insertion qui suivent ces ateliers, on apprend l’art de sublimer les ingrédients qu’on nous livre. À la fin de chaque atelier, les repas sont partagés avec les équipes de bénévoles accompagnant les participants. On se réunit autour d’une même tablée.
Nous ne choisissons pas les produits livrés. L’équipe doit s’adapter sans cesse pour élaborer les menus quotidiens. On cuisine constamment des fruits et légumes différents. Comme des pastèques ou des tomates, sous diverses formes, crues ou cuites. J’apprends aux personnes à transformer les produits et à utiliser toutes leurs parties afin de ne rien gaspiller. Le défi est de cuisiner avec le strict minimum et sans anticipation.
Ces cuisines d’insertion proposent de renouer avec le monde professionnel, mais pas seulement…
Effectivement. Elles offrent un environnement où chacun se sent immédiatement à l’aise. Dans ces sessions, les salariés se voient confier des responsabilités. Chacun a des tâches à accomplir, que ce soit à la plonge ou à la pâtisserie. Ça n’a l’air de rien mais ça aide souvent à reprendre confiance en soi. En tout cas, je le constate souvent dès qu’ils franchissent la porte : mes élèves changent d’attitude, respirent la liberté et se sentent valorisés. C’est presque magique !
Au-delà du travail, on partage des moments de rigolade, de joie. La cuisine crée des liens, et des connexions fortes. On se raconte des anecdotes, on échange des conseils, et on passe de bons moments ensemble.
Ces moments de partage font-ils naître des vocations ?
L’équipe de salariés en insertion que j’accompagne est là pour réapprendre le B.A.-BA de la vie en société. Certains essaient de retrouver leur place. Mon rôle consiste à les guider. Ces ateliers permettent de découvrir de nouvelles techniques culinaires et d’avoir un aperçu des différents métiers de la cuisine, mais au-delà de ça, ils permettent de mettre en place de nouvelles habitudes professionnelles. Tous les participants ne se réorienteront pas forcément vers la restauration à terme, mais ils auront acquis une nouvelle expérience et se seront rapprochés du monde extérieur.