En 1985, Gisèle répondait à l’appel de Coluche : » Il nous disait « commencez par sourire » »
Gisèle a été l’une des toutes premières bénévoles à répondre à l’appel de Coluche en septembre 1985. A 78 ans, “la flamme toujours au cœur”, elle souvient des prémices de l’association.

Gisele Sylvain, bénévole historique des Restos du cœur.
Une collègue de bureau m’a dit “Tiens, tu as entendu, Coluche, hier sur Europe 1 ?” J’étais secrétaire de direction chez Tompson. Il y avait un numéro de téléphone si on était intéressé pour être bénévole ou donner des produits. J’ai appelé.
« Il m’a demandé si je voulais distribuer du pain »
J’ai été envoyée le 21 décembre à Gennevilliers pour la première distribution. Il faisait nuit, il faisait froid. Je me suis retrouvée avec d’autres bénévoles que je ne connaissais pas. Les gens étaient un peu sidérés. Il y avait un chapiteau derrière. On se demandait ce qu’on allait faire et quand est-ce qu’on allait y entrer. On voyait arriver des caméras, des trucs. Et puis une première moto est arrivée. Puis une deuxième. Coluche en est descendu. Il a mis sa casquette, nous a dit bonjour, nous a demandé nos prénoms. Puis il a dit “On va pas perdre de temps. On n’est pas là pour se faire des politesses”. Les gens commençaient à arriver. Il m’a demandé si je voulais distribuer du pain. Un autre s’est mis aux légumes. Un autre aux fruits et ça s’est organisé comme ça. On a inscrit nos noms sur un tableau et voilà. Ça a duré trois mois, jusqu’au mois de mars. On était sensé durer juste un hiver, de décembre à Mars.
A l’intérieur du chapiteau, des affiches précisaient qu’on ne demandait rien à ceux qui se présentaient : ni leur nom, ni leurs revenus. Vous avez faim, vous rentrez, on vous donne de quoi faire un repas. On avait notre badge en forme de cœur, des charlottes pour l’hygiène mais il n’y avait pas de sac Restos du cœur. Comme ça les gens pouvaient repartir chez eux en disant qu’ils avaient fait leur course. Sans dire qu’ils avaient bénéficié des Restos.
« Donner sans faire remarquer aux gens qu’on était là pour eux, sans les humilier »

21 décembre 1985, Chapiteau des Restos à Gennevilliers (92) © MICHEL GANGNE-AFP
C’était une des valeurs que défendait Coluche : donner sans faire remarquer aux gens qu’on était là pour eux, sans les humilier. Il l’a toujours dit : c’est difficile de franchir la porte des Restos du Cœur. On avance, on recule, on a honte. Coluche nous disait “commencez par sourire”, il y tenait beaucoup. Il fallait faire les choses avec sérieux sans se prendre au sérieux. De façon à ce que les personnes soient le plus à l’aise possible.
C’est un des fondamentaux des Restos : l’absence de condescendance. Les Restos m’ont plu du fait de ça et des valeurs hors religion et hors politique. C’était très important pour moi. J’ai eu l’impression d’assister à la naissance de l’association mais pas du tout à la naissance de quelque chose qui serait aussi important et qui mènerait à un tel élan. On était tous là sans idéologie ni baratin, comme on dit : tu peux donner du temps, tu viens, c’est tout.
- Pour en savoir plus sur la genèse des Restos du Cœur avec l’expo « C’est l’histoire d’un pauvre, les Restos du Cœur 1985-1989«