Étude de l’Observatoire : « Rêver, en parler avec les enfants », faire des rencontres, bouger… les vacances aux Restos sont bien plus que des vacances

1 juillet 2025

Aux Restos, 67% des personnes accueillies dans les centres ne sont pas parties en vacances au cours des 5 dernières années. Pour des raisons financières mais aussi en raison de freins psychologiques, culturels et familiaux. En 2024, l’association a accompagné près de 5600 départs en vacances et permis à plus de 1112 familles de partir. Parce que partir en vacances engage bien plus que quelques jours de villégiature……

Si l’aide alimentaire constitue une réponse d’urgence à la grande précarité, les Restos du Cœur accompagnent aussi les personnes qu’ils accueillent dans leurs besoins en matière d’emploi, de logement, de droits, de santé ou de loisirs… Aux Restos, 67% des personnes accueillies dans les centres ne sont pas parties en vacances au cours des 5 dernières années. Pour des raisons financières auxquelles s’ajoutent des freins psychologiques, culturels et familiaux. En 2024, l’association a accompagné 5600 départs en vacances et permis à plus de 800 enfants de partir en colonie.

A l’aube de nouveaux départs estivaux, l’Observatoire des Restos publie une étude mesurant l’impact de l’activité « départ en vacances » des Restos et confirme l’importance de cette activité qui permet aux familles, enfants et personnes isolées qui en bénéficient de retrouver confiance et légitimité à s’accorder un court break au milieu d’une vie sous le joug des pression financières. Mais aussi – basiquement – de sortir de chez soi et de regagner en mobilité. D’être acteur d’un projet, aussi prosaïque et ordinaire puisse-t-il paraitre. Il s’agit enfin de gommer, le temps d’une courte parenthèse les stigmates de la précarité, de construire une mémoire familiale joyeuse ou encore de se resocialiser. Autant d’enjeux qui font des départs en vacances organisés par les Restos une activité de premier plan.

67% des personnes accueillies aux Restos du Cœur n’étaient pas parties en vacances au cours des 5 dernières années

Les Restos ont permis à quelques 5600 personnes de sortir de isolement pour se remobiliser et se resocialiser. Parmi eux, 517 personnes seules et isolées, sont 164 sénior. A l’instar d’Odile, 64 ans, vivant seule dans la campagne montpelliéraine et partie une semaine dans l’Aveyron à l’été 2024 :

« Comme je suis quasiment jamais partie en vacances, c’était le Pérou. Ma porte d’entrée aux Restos du Cœur, c’était l’alimentaire. Je pensais pas du tout à des vacances, ça a été la surprise. Vraiment la bonne surprise même. Pouvoir partir. Même si c’était pas très loin. »

95% des personnes accueillies ne seraient pas parties en vacances sans l’accompagnement des Restos du Cœur

Dans 9 cas sur 10, le premier frein au départ en vacances est bien sûr la précarité financière, auquel s’ajoutent des problématiques sociales, familiales et de santé. Mais aussi psychologiques. Les entretiens individuels effectués pour cette enquête, avant et après le séjour, mettent en évidence une autocensure des publics vulnérables, qui s’interdisent de prendre quelques jours de repos, estimant ne pas y avoir droit.

« Finalement on a le droit nous aussi de faire un break dans le quotidien, de souffler un peu », relève une personne accueillie.

67% d’entre elles n’étaient pas parties en vacances au cours des cinq dernières années. Du côté des bénévoles, « il faut souvent insister pour que les personnes se sentent légitimes à partir en vacances. Elles hésitent souvent. Il faut les convaincre qu’elles y ont droit. beaucoup d’entre elles ne sont pas parties depuis très longtemps. voire jamais », raconte Axelle, bénévole aux Restos du Cœur de l’Hérault et Responsable des départs en vacances.

Parmi les freins au départ en vacances, l’étude révèle aussi des appréhensions plus spécifiques : la peur d’être inadapté ou mal perçu ou étiqueté « vacancier pauvre ».

Dounia, la petite quarantaine, est secrétaire comptable et maman solo est partie en vacances avec ses deux enfants. En 2024, la petite famille est partie aux alentours de La Ciotat, grâce au coup de pouce des Restos : « On se posait des questions » se souvient-elle.

« Comment seront nos voisins ? Comment on allait être accueillis ? Parce que bon, quand même, on vient de la part des Restos du cœur. Et finalement, dans l’ensemble, ça s’est super bien passé. J’ai ma fille qui a 12 ans et mon fils qui a 9 ans. C’était leur premier souvenir de vacances. Et ça, je pense que c’est ça restera gravé. »

70% des personnes accueillies voient dans les vacances un moyen de passer des moments privilégiés en famille

« Pendant la semaine, les enfants ont vu une maman moins stressées, moins fatiguée qui avait du temps pour eux. On a fait que profiter », confie une mère de famille.

Mais en amont de cette parenthèse apaisante et réjouissante qui bouscule un quotidien difficile et une tendance à se replier sur soi, l’aide du référent vacances des Restos du Cœur est souvent cruciale.

La phase préparatoire est essentielle et participe à l’autonomisation et à la responsabilisation des personnes les plus vulnérables. Axelle, bénévole, explique l’approche « Restos » des départs en vacances :

« Nous repérons les familles qui sont le plus à même de pouvoir participer à un séjour en en vacances. Elles ont toutes le même profil : elles ont des ennuis au quotidien et elles cherchent à s’en sortir de toutes les manières possibles avec une énergie folle. Dans tous les cas, on est vraiment dans des précarités extrêmes. »

Durant cette phase, le rôle du référent vacances est clé, notamment pour sa présence rassurante et son soutien dans les démarches, voire jusqu’au jour du départ et même après dans le cas de séjours accompagnés : co-financement et anticipation d’un budget, implication dans le choix du séjour, construction du programme d’activités, réservation des billets de train, etc. Aux yeux d’Axelle, l’implication des personnes accueillies dans leur projet de vacances est cruciale :

« Une fois que le projet est arrivé à son terme et que la famille a payé ses 10%, elle a payé le montant qu’elle s’était engagée à payer. Déjà pour une fois dans sa vie elle a pas de dette, elle a réussi le challenge et on la félicite grandement. Donc déjà ça c’est une première victoire. Reprendre confiance en soi avant même de partir en vacances. »

En étant décisionnaires, les personnes accueillies – en particulier les plus vulnérables -, se sentent au centre de leurs décisions : revalorisées et moins redevables.

« Ça n’a pas changé ma vie, mais ça m’a fait du bien. J’ai eu l’impression pendant une semaine de ne pas être réduite à ma condition financière », fait valoir une personne accueillie.
Le séjour est l’occasion de rencontre, de repos, de faire le point pour éventuellement rebondir.

Des rencontres, du lien et l’envie de nouveaux projets…

75% des vacanciers observent durant le séjour des effets positifs sur leur santé physique (sommeil, énergie). A l’issue de leur séjour, 23% des personnes accueillies ne ressentent plus le besoin d’être accompagnées sur les mêmes aspects que ceux de la préparation des vacances. Pour plus de 8 vacanciers sur 10 accueillis aux Restos, le fait de partir en vacances leur a donné envie de nouveaux projets.

Dounia, elle, est saisie par l’émotion en racontant son retour de vacances :

« Ce qui a le plus marqué mes enfants, c’est de pouvoir partir, revenir et avoir des souvenirs à raconter à leurs copains. Pouvoir dire « je suis à parti à tel endroit. J’ai fait ça, ça, ça. » Ils sont contents parce qu’ils sont comme les autres. »

Même son de cloche du coté d’un salarié en difficulté parti avec la complicité des Restos :

« Pour une fois cette année, je n’ai pas évité les discussions sur les vacances avec les collègues. »

Axelle, bénévole, est catégorique : « Ce que j’aime dans les vacances c’est que c’est pas les vacances en tant que telles qui procurent le plus de bonheur. C’est la préparation, c’est le fait de rêver, d’en parler avec les enfants, de ressouder les enfants autour du projet. C’est de le vivre bien sûr, mais ça dure qu’une semaine et après on en en entend parler pendant des mois et des mois. »

 

Depuis 2018, l’Observatoire des Restos permet à l’association de mieux répondre aux besoins des personnes accueillies, d’analyser l’évolution des publics accueillis et d’identifier les nouvelles formes de précarité. Le recueil de la parole des personnes accueillies reste au cœur de l’ensemble des études par des entretiens individuels ou collectifs et ou des questionnaires.

Cette étude de juillet 2025, « mesure d’impact de l’activité départ en vacances des Restos du Cœur », repose sur une analyse qualitative

auprès de 24 personnes accueillies, avant et après leur séjour en vacances en 2022, ainsi que sur une analyse quantitative au moyen d’un questionnaire diffusé auprès d’un échantillon de familles parties en vacances. Pour compléter l’étude, 8 associations départementales, 13 centres et 24 référents vacances ont été interrogés.