Les États généraux de l’alimentation

5 octobre 2017

À l’occasion du lancement de l’atelier de lutte contre l’insécurité alimentaire dans le cadre des États généraux de l’alimentation, Les Restos du Coeur réaffirment que ce combat doit être une priorité pour lutter contre l’exclusion.

Crédit photo : Eric Patin

Les Etats généraux de l’alimentation ont été lancés officiellement par le Gouvernement le 20 juillet dernier, ils doivent prendre en compte un sujet majeur: celui de la lutte contre l’exclusion, alors que 8,8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.

4,8 millions de personnes bénéficient d’une aide alimentaire en France; aux Restos, ce sont chaque année plus de 130 millions de repas qui sont distribués à 900 000 personnes environ. Notre association s’est fortement mobilisée cet été: depuis mars, 40 % de repas supplémentaires ont été délivrés, soit une augmentation d’au moins 10 millions de repas.

 

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L’enjeu de l’accès de tous à l’alimentation diversifiée

Les besoins ne sont pas seulement croissants, ils sont toujours plus diversifiés. Il n’y a plus un « profil » de bénéficiaire de l’aide alimentaire. Des jeunes, des étudiants, des retraités, de plus en plus de familles, parfois à la rue, font appel aux Restos. Beaucoup ont des parcours de vie et des situations administratives complexes ; leur situation en matière de logement (sans logements personnels, hébergés en hôtels…) rend plus difficile l’accès à une alimentation équilibrée et saine. Les personnes en situation de précarité, de rupture ou d’isolement en milieu rural ont aussi des difficultés d’accès à l’alimentation.

Il faut aussi rappeler le lien entre problématiques de santé, apports nutritionnels et précarité, qui a été largement démontré: anémie, obésité, diabète, carences… Les facteurs de risques pour les plus précaires sont beaucoup plus élevés et nous ne pouvons pas accepter ces inégalités d’alimentation et de santé.

Oui, la lutte pour la sécurité alimentaire, c’est-à-dire pour l’accès de tous à une alimentation suffisante en qualité et en quantité, est plus que jamais un défi dans notre pays. Cela exige des réponses ambitieuses et renouvelées des associations, pour mieux accompagner les personnes dans leurs pratiques alimentaires et pour aller vers tous les publics qui ont besoin de nous mais qui ne frappent pas à notre porte. Mais nous attendons aussi une mobilisation des pouvoirs publics pour remettre la question de l’accès à l’alimentation des plus démunis sur le devant de la scène. Car derrière elle, c’est tout la question de la lutte contre l’exclusion qui est en jeu.

L’aide alimentaire, de la réponse d’urgence à l’insertion durable

Les besoins des plus démunis ne sont en effet pas qu’alimentaires: un repas ne suffit pas ! L’aide apportée permet d’aller bien au-delà de la réponse à l’urgence. Car, si la fourniture de repas gratuits aux plus démunis permet de porter secours à des personnes en situation de détresse, qui n’ont peu voire pas de ressources pour se nourrir, elle constitue aussi une passerelle, une porte d’entrée vers l’inclusion sociale. Aider aujourd’hui, être accueilli sans jugement par des bénévoles à l’écoute des besoins des plus démunis, pour se réinsérer demain: c’est le sens de l’action des Restos.

Toute personne qui pousse la porte d’un de nos centres sera accueillie, et pourra être aidée sur le plan alimentaire en fonction de ses ressources. C’est aussi une palette d’activités d’inclusion sociale et d’aide à la personne qui pourra lui être proposée: accès à la justice et aux droits, conseils budgétaires, micro-crédits, accès à la culture et aux loisirs, départs en vacances, soutien à la recherche d’emploi, insertion par l’emploi, accompagnement scolaire, ateliers de français, actions en faveur de l’hébergement et du logement…

Par cet accueil, par cette rencontre entre les personnes accueillies aux Restos et les bénévoles –ils sont plus de 70.000-, un lien se noue, une confiance s’établit et permet à de nombreuses personnes de reprendre pied et de s’en sortir. Tout cela n’est est rendu possible que par l’engagement irremplaçable des bénévoles, par cette aide fournie tout au long de l’année: l’aide alimentaire est donc le moyen de susciter cette rencontre et de tisser ce lien.

Encourager le don de denrées et assurer l’équilibre nutritionnel

Pour répondre aux besoins des personnes et mettre en œuvre ces actions de solidarité, il est indispensable de développer le don alimentaire, qui permet à la fois d’augmenter le volume d’aide disponible mais aussi de diversifier les apports nutritionnels et d’augmenter l’offre en produits frais.

C’est la raison pour laquelle les Restos ont fortement agi pour la mise en place de dispositions fiscales en faveur des dons des producteurs agricoles. Nombre d’entre eux connaissent des situations souvent difficiles ; certains franchissent aussi la porte des Restos pour bénéficier d’une aide et d’une écoute. Ceux qui sont en capacité de donner le font, et la générosité du secteur ne s’est jamais démentie, mais il faut continuer à l’encourager.

Les Restaurants du Cœur ont formulé depuis longtemps des propositions et mené des expérimentations pour que toutes les filières agricoles puissent donner. L’élargissement est désormais fortement attendu sur les filières viandes: nous attendons un signal du Gouvernement sur le sujet.

La lutte contre le gaspillage alimentaire, à travers la récupération d’invendus –que les Restos pratiquent depuis des années- doit aussi s’amplifier dès lors qu’elle permet de bénéficier des dons de qualité, respectueux des personnes et de leurs besoins.

L’Europe et la sécurité alimentaire

Enfin, la question de l’accès de tous à une alimentation équilibrée –et celle, indissociable, de l’inclusion sociale – doit aussi être traitée à l’échelle européenne.

C’était déjà ce qu’avait compris Coluche lorsqu’il a demandé l’ouverture des frigos de l’Europe en 1986, ce qui aboutit à la création du Programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD) devenu depuis 2014 un Fonds européen dédié, le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD), qui représente environ un repas sur quatre distribué aux Restos. Il est garanti jusqu’en 2020, mais qu’en sera-t-il dans quelques mois, lors de la renégociation du budget de l’Europe ? Il est imparfait et insuffisant, mais absolument incontournable aujourd’hui. Les Etats généraux de l’alimentation doivent permettre de le réaffirmer: l’Europe doit poursuivre et amplifier son ambition en matière de sécurité alimentaire et d’inclusion sociale, à travers un outil ambitieux, vecteur de solidarité et de cohésion sociale à l’échelle de l’Union.

Les Restos ne manqueront pas de faire valoir, en toute indépendance comme ils le font depuis près de 32 ans, ces enjeux dans les semaines à venir dans le cadre des concertations qui se tiennent depuis cette semaine.